• Faites attention aux brouteurs (brouteuses) sur facebook

     

     

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    Arnaques en ligne : qui sont les "brouteurs" et comment ne pas tomber dans leurs pièges ?

    Originaires principalement d'Afrique de l'Ouest, les "brouteurs" utilisent l'arnaque aux sentiments ou le chantage à la webcam pour extorquer de l'argent à leurs victimes.

     

    Une nouvelle arnaque au colis circule depuis plusieurs jours.

    Le chantage aux sentiments et à la sextorsion sont les deux grandes arnaques des « brouteurs » (©illustration Adobe Stock)

    Par Eloïse Aubé

    Publié le 5 Déc 21 à 17:14 

     

    On les appelle communément « les brouteurs ». Comprenez, « des moutons qui se nourrissent sans effort » et qui sont capables de s’alimenter là où l’herbe est la plus verte. Ces escrocs du web opèrent généralement depuis l’Afrique de l’Ouest dans des cybercafés, repères d’arnaques en tout genre. 

     

    La plupart du temps, leur mode opératoire est le même : sous de faux profils, ils séduisent des personnes en ligne pour leur soutirer de l’argent. « Le préjudice peut parfois atteindre jusqu’à 100 000 euros » constate Jean-Jacques Latour, responsable expertise et sécurité chez Cybermalveillance.

     

    Si ces arnaqueurs sont principalement identifiés dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest comme le Bénin, la Côte d’Ivoire ou encore le Sénégal, ils sévissent aussi dans des pays anglophones. Aujourd’hui, la traque de ces escrocs n’est pas chose aisée d’autant plus qu’ils « n’ont pas d’état d’âme », remarque l’expert, et peuvent continuer à vider les économies de leurs victimes même si celles-ci se retrouvent dans des situations de détresse.

     

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    « J’ai cru à cette histoire »

    Frédérick a rencontré Patricia sur les réseaux sociaux en 2018. En tout cas, il pensait qu’elle s’appelait Patricia comme indiqué sur son profil.

     

    Un soir, alors que j'étais célibataire, je reçois un message d'une certaine Patricia sur Facebook. Une femme d'une quarantaine d'années. Au bout d'une semaine, elle me dit que son fils est à l'hôpital et m'envoie une photo de lui, les jambes dans le plâtre. Elle m'a demandé de lui envoyer de l'argent pour aider son garçon.

     

    Frédérick

    Victime d'un brouteur

    Au fil du temps, Frédérick s’accroche. « J’ai cru en cette histoire », se remémore-t-il. Mais les demandes d’argent deviennent de plus en plus fréquentes. Et toujours avec le même procédé : le paiement par coupon PCS [il s’agit de tickets d’une valeur comprise entre 20 et 250 euros que l’on achète en ligne ou chez le buraliste et qui sont ensuite, crédités sur une carte prépayée. Celle-ci n’est pas reliée à un compte bancaire et permet de retirer de l’argent ou de payer ses achats en ligne, Ndlr].

     

    Les proches de Frédérick commencent à s’inquiéter, surtout quand celui-ci prend rendez-vous avec Patricia du côté de Toulouse, là où elle est censée résider. Elle ne viendra jamais au rendez-vous. Les fois suivantes, non plus. « Ce n’était pas facile, car mes proches voulaient m’aider, mais j’étais vraiment dans une bulle », reconnaît Frédérick.

     

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    Qui est vraiment Patricia ? 

    Entre deux, il rencontre une autre femme, qui est encore aujourd’hui sa compagne. Ensemble, ils commencent à mener l’enquête sur cette fameuse Patricia. « On s’est rendu compte que la photo sur les réseaux était utilisée sur plusieurs comptes Facebook et Instagram. A priori, c’est la photo d’une femme en Roumanie. » 

     

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    De notre côté, nous avons voulu vérifier cette information. La photo de Patricia est en effet utilisée à plusieurs reprises sur différents réseaux sociaux et sous différentes identités : Gabriella S., Carolina S…

     

    Tout porte à croire qu’une femme s’est fait usurper son identité et que ses photos sont exploitées pour le compte d’escrocs.

     

    Au total, Frédérick aura dépensé 6 000 euros dans cette arnaque qui a duré 14 mois. Aujourd’hui, il va déposer plainte auprès de la gendarmerie.

     

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    Deux grands types d’arnaques

    Ces escroqueries peuvent prendre différents visages, mais deux sont caractéristiques des brouteurs : l’arnaque au sentiment et la sextorsion.

     

    Pour la première, elle vise particulièrement des femmes seules rencontrées sur les réseaux. Pendant des mois, les escrocs « lavent le cerveau de leur victime jusqu’à ce qu’elles ne puissent plus payer », indique Jean-Jacques Latour.

     

    Les victimes perdent leurs économies, et parfois elles contractent des crédits pour tout couvrir. Dès que ça commence à payer, les arnaqueurs continuent.

     

    Jean-Jacques Latour

    Responsable expertise et sécurité chez Cybermalveillance

    Pour la seconde, elle s’adresse davantage à un public masculin, de 17 à 50 ans. Il s’agit de chantage à la webcam : les victimes discutent en ligne avec des supposées jeunes femmes qui font des webcams sexuelles et enregistrent. Une fois l’enregistrement effectué, elles menacent de diffuser la vidéo et réclament des rançons.

     

    Parfois, ces chantages virent au drame comme cet homme de 18 ans, victime de sextorsion vraisemblablement par un brouteur, qui a mis fin à ses jours en octobre dernier, expliquait  Complément d’enquête.

     

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    Une « économie souterraine »

    Outre ces deux types d’arnaques, le « broutage » peut prendre différentes formes. Arnaque au colis, faux mails des autorités judiciaires… « On a repéré une forme de broutage à l’été 2020. Ils (les escrocs) se font passer pour la police ou la gendarmerie en expliquant que la personne a consulté un site pédopornographique », explique Jean-Jacques Latour.

     

    En réalité, il n'en est rien mais beaucoup de personnes ont peur de l'erreur judiciaire et envoient donc leurs coordonnées.

     

    Jean-Jacques Latour

    Responsable expertise et sécurité chez Cybermalveillance

    Et les « brouteurs » sont experts en la matière : ils montent des dossiers complets pour se créer des fausses identités. Une sorte d’arnaque sans fin qu’il est difficile de déjouer tant ce « business » est lucratif.

     

    « Dans ces pays, ces escroqueries peuvent alimenter tout un village. C’est une économie souterraine », poursuit l’expert. En 2018, 89 brouteurs ont été interpellés en Côte d’Ivoire après 2 860 plaintes, avait annoncé l’Autorité de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI). 

     

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    Comment s’en prémunir ? 

    Pas simple pour les enquêteurs de remonter le fil des brouteurs. Une fois la plainte déposée par la victime s’ensuit alors un travail de fourmi, en lien avec les autorités locales pour remonter la piste de l’arnaqueur. 

     

    Il existe cependant quelques moyens pour ne pas tomber dans les mailles du filet :

     

    Ne pas envoyer d’argent à une personne que l’on n’a jamais rencontrée ;

    Ne pas envoyer de photos intimes à quelqu’un que l’on ne connaît pas ;

    La gendarmerie et la police n’envoient jamais de convocation par mail, alors, méfiez-vous si vous en recevez un avec une soi-disant « adresse mail officielle ».

    Et si vous pensez être victime d’une escroquerie, vous pouvez établir un diagnostic sur le site de Cybermalveillance.