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    Volodymyr Zelensky

     

    Avec un message en hébreu publié sur les réseaux sociaux et des appels aux juifs dans le monde à se mobiliser contre l’invasion russe, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a comme rarement auparavant mis en avant sa foi juive pour élargir le soutien à sa guerre.

     

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    Ukraine: Zelensky « est responsable de ce qui se passe … on attend de lui des excuses », Eric Denécé

    MONDE – SÉCURITÉ

    Par Modeste Dossou le 30 Mar 2022 à 15:34

     

    Eric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (Cf2R)

     

     

    Alors que la guerre fait rage en Ukraine et que les occidentaux accusent la Russie d’être seule responsable de cela, un responsable français assure que le président ukrainien est responsable de ce qui se passe dans son pays.

     

    Présenté comme un héros de guerre par la presse et certains dirigeants occidentaux, le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne fait pas l’unanimité en Europe. Eric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (Cf2R), se dit « extrêmement choqué par l’écho médiatique l’aura que l’on donne à Zelensky qui est un comédien… il joue son rôle pleinement, néanmoins, c’est lui qui est responsable de ce qui se passe ».

     

    Le responsable français poursuit ses propos en soulignant le fait que Zelensky « a été élu avec les voix des russophones en 2019, il n’a pas appliqué les accords de Minsk pour lesquels il avait été élu ». « Ensuite il ne faut pas oublier qu’il a été mis en cause par les Pandora Papers, ce ne sont pas des racontars, il est accusé d’avoir dissimulé une grande partie de sa fortune (…) ; donc on a là quelqu’un qui est une forme de satire et qui fait une politique de communication très astucieuse mais qui commence à se retourner contre lui », indique Eric Denécé.

     

     

     

    Ne s’arrêtant pas là, Denécé indique que « ces gens (le gouvernement ukrainien, Ndlr) qui ne représentent rien, ces gens qui n’ont cessé d’être manipulés volontairement par les américains, sont aujourd’hui, responsables de ce qui se passe dans leur pays et je fais une nette différence entre cette population ukrainienne, qui est victime de la guerre, et ce gouvernement qui a une énorme responsabilité ».

     

    « Plutôt que de communiqué comme il le fait, on attend de lui qu’il présente des excuses pour avoir été à l’origine de ce conflit et finalement il contribue à l’extermination de sa population », a ajouté le français. Il va sans dire que l’attaque russe contre l’Ukraine a bel et bien été provoquée contrairement à ce qu’insinue Zelensky et donc que la Russie ne porte pas seule, la responsabilité de cette guerre.


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    Répression, censure, néolibéralisme à la Pinochet… La face cachée de Zelensky

    02 Mai 2022 NATYLIE BALDWIN

     

     

      

    Depuis le début de la guerre en Ukraine, le président Volodymyr Zelensky est adulé en Occident, jusqu’à récolter des standing ovations dans tous les parlements où il intervient. Certes, Zelensky dirige un pays confronté à une invasion militaire. De là à en faire le héros d’un combat du Bien contre le Mal… Docteur en philosophie à l’université du Colorado, Olga Baysha, originaire de Kharkov, nous dévoile la face cachée du président ukrainien. Un entretien passionnant sur l’ascension du comédien devenu président de la République, un entretien qui nous en apprend beaucoup également sur la société ukrainienne et les origines du conflit. (IGA)

     

     

    Acteur humoriste ayant accédé à la plus haute fonction du pays en 2019, Volodymyr Zelensky était pratiquement inconnu de l’Américain moyen – sauf peut-être en tant que figurant dans le spectacle de la destitution de Trump. Mais lorsque la Russie a attaqué l’Ukraine le 24 février 2022, Zelensky s’est soudainement transformé en une célébrité de premier plan dans les médias US. Les consommateurs d’informations étasuniens ont été bombardés par les images d’un homme qui semblait dépassé par les événements tragiques, peut-être dépassé par la situation, mais qui finalement paraissait sympathique.  Il n’a pas fallu longtemps pour que cette image évolue vers celle d’un héros infatigable, vêtu de kaki, gouvernant une petite démocratie et repoussant à lui seul les barbares autocrates de l’Est.

     

    Mais au-delà de cette image soigneusement élaborée par les médias occidentaux, il y a quelque chose de beaucoup plus complexe et de moins flatteur. Zelensky a été élu par 73 % des votants en promettant la paix, le reste de son programme était plus vague. Cependant, à la veille de l’invasion, sa cote de popularité avait chuté à 31 % parce qu’il avait poursuivi des politiques profondément impopulaires.

     

    L’universitaire ukrainienne Olga Baysha, auteur de Democracy, Populism, and Neoliberalism in Ukraine : On the Fringes of the Virtual and the Real, a étudié l’ascension de Zelensky et la façon dont il a exercé son pouvoir depuis qu’il est devenu président. Dans l’interview ci-dessous, Baysha commente l’adhésion de Zelensky au néolibéralisme et son autoritarisme croissant. Elle explique comment ses actions ont contribué à la guerre en cours. Elle analyse le leadership contre-productif et égocentrique du président tout au long du conflit. Elle examine les opinions, les identités culturelles et les politiques complexes des Ukrainiens, elle décrypte le partenariat entre néolibéraux et droite radicale pendant et après l’Euro-Maidan et elle se penche sur l’impact d’une prise de contrôle par les Russes du Donbass sur les populations locales. Une manœuvre qui ne serait pas saluée comme elle aurait pu l’être en 2014.

     

     

     

    Parlez-nous un peu de votre parcours.  D’où venez-vous et comment avez-vous commencé à vous intéresser à votre domaine d’étude actuel ?

     

    Je suis une Ukrainienne de souche, née à Kharkov, une ville ukrainienne située à la frontière avec la Russie. Mon père et d’autres parents y vivent toujours. Avant la guerre actuelle, Kharkov était l’un des principaux centres éducatifs et scientifiques d’Ukraine.  Les habitants de la ville sont fiers de vivre dans la « capitale intellectuelle » de l’Ukraine. En 1990, c’est dans cette ville que la première télévision libre de tout contrôle du parti a été créée; son premier programme d’information était rapidement diffusé dans la foulée. À cette époque, j’étais déjà diplômée de l’université de Kharkov. Puis un jour, un ami de l’université m’a invité à travailler comme journaliste pour ce programme d’information. Le lendemain, sans expérience préalable, j’ai commencé à faire des reportages.  Quelques mois plus tard, j’étais présentatrice de journaux télévisés. Ma carrière fulgurante n’était pas une exception.

     

    Le nombre de nouveaux médias non contrôlés augmentait chaque jour à un rythme effréné, et ils avaient de plus en plus besoin de main-d’œuvre. Mais dans l’écrasante majorité des cas, il s’agissait de jeunes ambitieux sans aucune formation journalistique ni expérience de terrain. Ce qui nous unissait, c’était le désir d’occidentalisation, notre incompréhension des contradictions sociétales caractérisant la transition postsoviétique, et la surdité aux préoccupations des travailleurs opposés aux réformes. À nos yeux, ces derniers étaient « rétrogrades » : ils ne comprenaient pas ce qu’était la civilisation. Nous nous considérions comme une avant-garde révolutionnaire et nous choisissions des réformateurs progressistes. C’est nous – les travailleurs des médias – qui avons créé un environnement favorable à la néolibéralisation de l’Ukraine. La néolibéralisation rimait alors avec occidentalisation et civilisation. Mais elle a entraîné toute une série de conséquences désastreuses pour la société. Je ne l’ai réalisé que des années plus tard.

     

    À cette époque, je supervisais la production de documentaires historiques dans une société de télévision de Kiev. J’ai compris que la mythologie du progrès historique à sens unique et du caractère inévitable de l’occidentalisation des « barbares » fournissait en fait un terrain idéologique aux expériences néolibérales, non seulement dans les anciens États soviétiques, mais aussi partout dans le monde. Cet intérêt pour l’hégémonie mondiale de l’idéologie de l’occidentalisation m’a conduit d’abord au programme de doctorat en études critiques des médias à l’Université du Colorado à Boulder, puis aux recherches que je mène actuellement.

     

    Selon les travaux universitaires de certains sociologues ukrainiens, les sondages ont montré dans un passé récent que la plupart des Ukrainiens n’étaient pas très intéressés par les questions identitaires. Ils étaient plus préoccupés par des sujets comme l’emploi, les salaires et les prix. Votre travail se concentre beaucoup sur les réformes néolibérales qui ont été promulguées en Ukraine depuis 2019 – contre le sentiment populaire. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les opinions de la plupart des Ukrainiens sur les questions économiques?

     

    Dans les milieux sociaux où je vivais – l’est de l’Ukraine, la Crimée et Kiev – il y avait très peu de personnes concernées par la question de l’identité ethnique. Ce n’est pas en vain que j’insiste sur « mes milieux sociaux ». L’Ukraine est un pays complexe et divisé, dont l’extrême est et l’extrême ouest ont des points de vue diamétralement différents sur toutes les questions socialement significatives. Depuis la déclaration d’indépendance de l’Ukraine en 1991, deux idées d’identité nationale s’affrontent en Ukraine : « Ukrainien de souche » et « Slave de l’Est ». L’idée d’une ethnie nationale ukrainienne est fondée sur la notion que la culture, la langue et l’histoire ukrainienne articulée autour de l’ethnie devraient être les principales forces d’intégration dans l’État-nation ukrainien. Cette idée est beaucoup plus populaire dans l’ouest du pays. En revanche, l’idée slave de l’Est envisage la nation ukrainienne comme reposant sur deux groupes ethniques, langues et cultures primaires, à savoir l’ukrainien et le russe. Cette idée a été acceptée comme normale dans le sud-est de l’Ukraine. Mais de manière générale, je peux confirmer que la plupart des Ukrainiens sont beaucoup plus préoccupés par les questions économiques, ce qui a toujours été le cas.

     

    En fait, l’indépendance de l’Ukraine en 1991 relevait aussi, dans une large mesure, de préoccupations économiques. De nombreux Ukrainiens ont soutenu l’idée d’un divorce politique avec la Russie parce qu’ils espéraient que l’Ukraine se porterait mieux sur le plan économique – c’est ce que nous promettaient les brochures de propagande. Cet espoir économique ne s’est pas réalisé. À bien des égards, l’effondrement de l’Union soviétique a radicalement changé la vie des gens pour le pire en raison de la néolibéralisation de l’Ukraine qui a entraîné la marchandisation de la sphère sociale et la ruine de l’État-providence soviétique.

     

    Qu’en est-il des réformes néolibérales initiées par Zelensky ?  Les sondages d’opinion permettent de juger leur popularité : jusqu’à 72 % des Ukrainiens n’ont pas soutenu sa réforme agraire, fleuron du programme néolibéral de Zelensky. Après que son parti l’a approuvée malgré l’indignation de la population, la cote de Zelensky est passée de 73 % au printemps 2019 à 23 % en janvier 2022. La raison en est simple : un profond sentiment de trahison. Dans ce que l’on peut considérer comme son programme électoral non officiel – l’émission « Serviteur du peuple » – Zelesnky-Holoborodko[1] a promis que s’il pouvait diriger le pays pendant une seule semaine, il ferait « vivre l’enseignant comme le président, et le président comme l’enseignant. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette promesse n’a pas été tenue. Les gens ont réalisé qu’ils avaient été dupés une fois de plus – les réformes ont été menées dans l’intérêt non pas des Ukrainiens, mais du capital mondial.

     

    Dans quelle mesure pensez-vous que la priorité accordée à la sécurité économique par rapport aux questions d’identité a changé avec l’invasion russe ?  Comment pensez-vous que cela se traduira pour les chances politiques des nationalistes/ultranationalistes par rapport aux modérés ou aux progressistes ?

     

    C’est une question intéressante. D’une part, la priorité des gens est désormais de survivre, ce qui fait de la sécurité leur principale préoccupation. Pour sauver leur vie, des millions d’Ukrainiens, dont ma mère ainsi que ma sœur et ses enfants, ont quitté l’Ukraine pour l’Europe. Beaucoup d’entre eux sont prêts à y rester pour toujours, à apprendre des langues étrangères et à adopter un mode de vie étranger. Tous ces développements peuvent difficilement donner la priorité aux préoccupations identitaires. D’un autre côté cependant, l’intensification des sentiments ethniques et la consolidation de la nation confrontée à une invasion sont également évidentes. Je peux en juger par les discussions publiques sur les médias sociaux : certains Kharkovites que je connais personnellement ont même commencé à publier des messages en ukrainien, langue qu’ils n’avaient jamais utilisée auparavant, pour souligner leur identité nationale et signaler qu’ils sont contre toute invasion étrangère.

     

    C’est un autre aspect tragique de cette guerre. Beaucoup de gens du sud-est n’avaient pas soutenu la révolution Maidan de 2014 et s’étaient trouvés dès lors considérés comme des « esclaves », « sovki » et « vatniki » – des termes péjoratifs pour désigner leur côté arriéré et barbare. C’est ainsi que les révolutionnaires de Maidan, qui se considéraient comme la force progressiste de l’Histoire, voyaient les « autres » anti-Maidan en raison de leur adhésion à la langue et à la culture russes. Or, jamais cette population pro-russe n’a pu imaginer que la Russie allait bombarder ses villes et ruiner ses vies. La tragédie de ces personnes est double : leur monde a d’abord été ruiné symboliquement par le Maïdan; à présent, il est détruit physiquement par la Russie.

     

    Les résultats de ces développements ne sont pas clairs, car on ne sait pas encore comment la guerre va se terminer. Si les régions du sud-est restent en Ukraine, la destruction de tout ce qui avait résisté au nationalisme agressif sera très probablement achevée. Ce sera sans doute la fin de cette culture frontalière unique qui n’a jamais voulu être ni complètement ukrainisée ni russifiée. Si la Russie établit son contrôle sur ces régions, comme elle s’enorgueillit de le faire actuellement, je peux difficilement prédire comment elle affrontera le ressentiment de masse – du moins, dans les villes qui ont subi des dommages importants, comme Kharkov.

     

    Pour en venir à Zelensky plus particulièrement, vous soulignez dans votre livre qu’il a joué le rôle d’un personnage charismatique en utilisant sa célébrité et ses talents d’acteur pour amener les gens à le soutenir au nom d’un programme vague et rassurant (paix, démocratie, progrès, lutte contre la corruption). Mais en réalité, ça occultait un autre programme qui n’aurait pas été populaire, à savoir un programme économique néolibéral.  Pouvez-vous nous parler de la manière dont il s’y est pris – comment a-t-il mené sa campagne et quelles ont été ses priorités quand il a pris ses fonctions ?

     

    La victoire de Zelensky et de son parti a été étonnante. Son parti s’est par la suite transformé en une machine parlementaire chargée d’élaborer et d’approuver les réformes néolibérales. Un « turbo régime », comme ils disaient. L’argument de base présenté dans mon livre est que cette étonnante victoire ne peut s’expliquer autrement que par le succès de la série télévisée qui, comme le pensent de nombreux observateurs, a servi de programme électoral informel à Zelensky. Contrairement à son programme officiel, qui ne comportait que 1 601 mots et peu de détails politiques, les 51 épisodes d’une demi-heure de son émission ont fourni aux Ukrainiens une vision détaillée de ce qu’il fallait faire pour que l’Ukraine progresse.

     

    Le message délivré par Zelensky aux Ukrainiens à travers son émission est clairement populiste. Le peuple ukrainien y est dépeint comme un ensemble homogène et sans problème, dépourvu de clivages internes, dont seuls les oligarques et les politiciens/fonctionnaires corrompus sont exclus. Le pays ne devient sain qu’après s’être débarrassé des oligarques et de leurs marionnettes. Certains d’entre eux sont emprisonnés ou fuient le pays ; leurs biens sont confisqués sans aucun égard pour la légalité. Plus tard, Zelensky-le-président fera de même à l’égard de ses rivaux politiques.

     

    Il est intéressant de noter que l’émission ignore le thème de la guerre du Donbass, qui a éclaté en 2014, un an avant que la série commence à être diffusée. Le Maïdan et les relations Russie-Ukraine étant des sujets très clivants dans la société ukrainienne, Zelensky les a ignorés pour ne pas mettre en péril l’unité de sa nation virtuelle, de ses téléspectateurs et, finalement, de ses électeurs.

     

    Les promesses électorales de Zelensky, faites à la frontière entre le réel et le virtuel, portaient principalement sur le « progrès » de l’Ukraine. Le « progrès » étant compris comme « modernisation », « occidentalisation », « civilisation » et « normalisation ». C’est ce discours progressiste et modernisateur qui a permis à Zelensky de camoufler ses projets de réformes néolibérales, lancés trois jours seulement après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Tout au long de la campagne, l’idée de « progrès » mise en avant par Zelensky n’a jamais été liée aux privatisations, aux ventes de terrains, aux coupes budgétaires, etc. Ce n’est qu’après avoir consolidé son pouvoir présidentiel en établissant un contrôle total sur les pouvoirs législatif et exécutif que Zelensky a clairement indiqué que la « normalisation » et la « civilisation » de l’Ukraine signifiaient la privatisation des terres et des biens publics, la déréglementation des conditions de travail, la réduction du pouvoir des syndicats ou encore l’augmentation des tarifs des services publics.

     

    Vous avez souligné que de nombreux étrangers ont été nommés à des postes économiques et sociaux importants après le coup d’État de 2014 et avant le mandat de Zelensky. De même, de nombreux fonctionnaires de Zelensky ont des liens étroits avec les institutions néolibérales mondiales. Vous avez suggéré qu’il existe des preuves qu’ils manipulent Zelensky, ce dernier ayant une compréhension peu sophistiquée de l’économie et de la finance. Pouvez-vous expliquer ces ramifications du changement de gouvernement pro-occidental en 2014 ?  Quels sont les intérêts plus larges en jeu ici? Les intérêts de la population ukrainienne en générale sont-ils pris en compte ?

     

    Oui, le changement de pouvoir de Maidan en 2014 a marqué le début d’une toute nouvelle ère dans l’histoire de l’Ukraine en termes d’influence occidentale sur les décisions souveraines du pays. Pour être claire, depuis que l’Ukraine a déclaré son indépendance en 1991, cette influence a toujours existé. La Chambre de commerce étasunienne, le Center for US-Ukraine relations, le US-Ukraine Business Council, l’European Business Association, le FMI, l’EBDR, l’OMC, l’UE – toutes ces institutions de lobbying et de régulation ont influencé de manière significative les décisions politiques en Ukraine.

     

    Cependant, jamais dans l’histoire de l’Ukraine avant le Maïdan, le pays n’avait nommé des citoyens étrangers à des postes ministériels de premier plan – cela n’est devenu possible qu’après le Maïdan. En 2014, Natalie Jaresko, citoyenne des États-Unis, a été nommée ministre des Finances de l’Ukraine; Aivaras Abromavičius, citoyen de Lituanie, est devenu ministre de l’Économie et du Commerce de l’Ukraine; Alexander Kvitashvili, citoyen de Géorgie, est devenu ministre de la Santé. En 2016, Ulana Suprun, citoyenne étasunienne, a été nommée ministre de la Santé par intérim. D’autres étrangers ont occupé des postes de rang inférieur. Il va sans dire que toutes ces nominations résultent non pas de la volonté des Ukrainiens, mais des recommandations des institutions néolibérales mondiales, ce qui n’est pas surprenant étant donné que le Maïdan lui-même n’était pas soutenu par la moitié de la population ukrainienne.

     

    Comme nous l’avons déjà mentionné, la majorité de ces « autres » anti-Maidan résident dans les régions du sud-est. Plus on regarde vers l’est, plus le rejet du Maïdan et de son programme européen est fort et homogène. Plus de 75 % des personnes vivant dans les oblasts de Donetsk et de Louhansk (deux régions orientales de l’Ukraine majoritairement peuplées de russophones) ne soutenaient pas le Maïdan, tandis que 20 % seulement des personnes vivant en Crimée le soutenaient.

     

    Ces chiffres statistiques, fournis par l’Institut de sociologie de Kiev en avril 2014, n’ont pas empêché les institutions occidentales du pouvoir de faire valoir que le Maïdan était le soulèvement du « peuple ukrainien » présenté comme un ensemble homogène – une supercherie idéologique très efficace. En se rendant sur la place Maidan et en encourageant ses révolutionnaires à protester, les membres de la « communauté internationale » ont manqué de respect à des millions d’Ukrainiens qui défendaient des opinions anti-Maidan, contribuant ainsi à l’escalade du conflit civil qui, au bout du compte, a conduit au désastre que nous observons aujourd’hui avec impuissance.

     

    Qu’en est-il des intérêts étrangers investis dans la néolibéralisation de l’Ukraine, menée au nom du peuple ukrainien ?  Ils sont divers, mais derrière la réforme agraire, que j’ai analysée attentivement, il y avait des lobbies financiers en Occident. Les fonds de pension et les fonds d’investissement occidentaux voulaient investir de l’argent qui se dépréciait. À la recherche d’actifs dans lesquels investir, ils se sont assuré le soutien du FMI, de la Banque mondiale, de la BERD et de divers groupes de pression pour promouvoir leurs intérêts et préparer le terrain[2]. Cela n’a rien à voir avec les intérêts des Ukrainiens, bien sûr.

     

    Quel est le bilan de Zelensky en matière de démocratie, de liberté d’expression et de liberté de la presse, en matière de pluralisme politique et de traitement des différents partis politiques ? Quelle comparaison avec les anciens présidents de l’Ukraine postsoviétique ?

     

    Je suis d’accord avec Jodi Dean qui affirme que la démocratie est un fantasme néolibéral dans le sens où elle ne peut exister dans les systèmes néolibéraux de gouvernements contrôlés non pas par les gens, mais par des institutions supranationales. Comme nous l’avons mentionné précédemment, cela est devenu particulièrement évident après le Maidan lorsque les ministres des Affaires étrangères ont été nommés par ces institutions pour défendre leurs intérêts en Ukraine. Cependant, avec son zèle réformateur, Zelensky est allé plus loin. Début février 2021, les trois premières chaînes de télévision d’opposition – NewsOne, Zik et 112 Ukraine – ont été fermées. Une autre chaîne d’opposition, Nash, a été interdite au début de 2022, avant le début de la guerre. Après le déclenchement du conflit, en mars, des dizaines de journalistes indépendants, de blogueurs et d’analystes ont été arrêtés ; la plupart d’entre eux défendent des opinions de gauche. En avril, des chaînes de télévision de droite – Channel 5 et Pryamiy – ont également été fermées. En outre, Zelensky a signé un décret obligeant toutes les chaînes ukrainiennes à diffuser un programme unique, présentant le seul point de vue pro-gouvernemental sur la guerre.

     

    Tous ces développements sont sans précédent dans l’histoire de l’Ukraine indépendante. Les partisans de Zelensky affirment que toutes les arrestations et interdictions de médias doivent être passées par pertes et profits pour des raisons militaires. Ils ignorent ainsi le fait que les premières fermetures de médias ont eu lieu un an avant l’invasion russe. Selon moi, Zelensky n’utilise cette guerre que pour renforcer les tendances dictatoriales au sein de son régime gouvernemental. Ces tendances sont apparues juste après l’arrivée de Zelensky au pouvoir – lorsqu’il a créé une machine partisane pour contrôler le parlement et approuver les réformes néolibérales sans débats et sans tenir compte de l’opinion publique.

     

    Le Conseil national de sécurité et de défense (NSDC) a été utilisé par Zelensky en 2021 pour sanctionner certaines personnes, principalement des rivaux politiques.  Pouvez-vous expliquer ce qu’est le NSDC, pourquoi Zelensky l’a utilisé et si cela était légal ou pas ?

     

    Après l’effondrement de son soutien populaire en 2021, Zelensky a lancé un processus inconstitutionnel de sanctions extrajudiciaires contre ses opposants politiques. Ces sanctions étaient  imposées par le Conseil national de sécurité et de défense (NSDC). Elles impliquaient la saisie extrajudiciaire de biens sans aucune preuve d’activités illégales de la part des personnes physiques et morales concernées. Parmi les premiers à être sanctionnés par le NSDC figurent deux députés parlementaires de la Plate-forme d’opposition « Pour la vie » (OPZZh) – Victor Medvedchuk (qui a ensuite été arrêté et montré à la télévision avec le visage battu après un interrogatoire) et Taras Kozak (qui a réussi à s’échapper d’Ukraine), ainsi que des membres de leurs familles. Cela s’est produit en février 2021. En mars 2022, 11 partis d’opposition ont été interdits. Les décisions d’interdire les partis d’opposition et de sanctionner les dirigeants de l’opposition ont été prises par le NSDC ; et elles ont été mises en œuvre par décrets présidentiels.

     

    La Constitution ukrainienne stipule que le Conseil de la sécurité nationale et de la défense est un organe de coordination : il « coordonne et contrôle l’activité des organes du pouvoir exécutif dans le domaine de la sécurité nationale et de la défense. » Cela n’a rien à voir avec la poursuite des opposants politiques et la confiscation de leurs biens – ce que le NSDC fait depuis 2021. Il va sans dire que ces méthodes du régime de Zelensky sont inconstitutionnelles – seuls les tribunaux peuvent décider de qui est coupable ou pas, et confisquer les biens. Le problème, c’est que les tribunaux ukrainiens se sont montrés peu enclins à jouer les marionnettes de Zelensky. Le président de la Cour constitutionnelle ukrainienne, Oleksandr Tupytskyi, a notamment qualifié les réformes anticonstitutionnelles du président de « coup d’État ». Zelensky n’a eu donc d’autres choix que de s’appuyer sur le NSDC pour faire avancer ses politiques impopulaires. La suite pour le « dissident » Tupytskyi?  Le 27 mars 2021 – toujours en violation de la Constitution ukrainienne – Zelensky a signé un décret annulant sa nomination en tant que juge de la Cour.

     

    Sous le règne de Staline, le Commissariat du peuple aux affaires intérieures (NKVD) a créé des « troïkas » pour prononcer des condamnations à l’issue d’enquêtes simplifiées et rapides, et sans procès public et équitable. Ce que nous observons dans le cas du NSDC est un développement très similaire, sauf que les procès anticonstitutionnels du NSDC comptent un plus grand nombre de participants – tous les personnages clés de l’État, y compris le président, le Premier ministre, le chef du service de sécurité ukrainien, le procureur général de l’Ukraine, etc. Une seule réunion du NSDC peut décider du destin de centaines de personnes. Rien qu’en juin 2021, M. Zelensky a mis en œuvre une décision du NSDC visant à imposer des sanctions à 538 personnes et 540 entreprises.

     

    J’aimerais vous interroger sur la liste des « artisans de la paix » (Myrotvorets) qui serait affiliée au gouvernement ukrainien et aux services de renseignement du SBU.  D’après ce que j’ai compris, il s’agit d’une liste d’ « ennemis de l’État » qui publie leurs données personnelles.  Plusieurs des personnes qui y figuraient ont été assassinées par la suite. Pouvez-vous nous parler de cette liste, de la façon dont les gens y figurent et de la place qu’elle occupe dans un gouvernement soi-disant démocratique ?

     

    Le site nationaliste Myrotvorets a été lancé en 2015 « par un député du peuple occupant un poste de conseiller au ministère de l’Intérieur de l’Ukraine » – c’est ainsi que le rapport de l’ONU le décrit. Le nom de ce député du peuple est Anton Gerashchenko, un ancien conseiller de l’ancien ministre des Affaires intérieures Arsen Avakov. C’est sous le patronage d’Avakov en 2014 que des bataillons nationalistes de répression ont été créés pour être envoyés dans le Donbass afin de supprimer la résistance populaire contre le Maïdan. Myrotvorets a fait partie de la stratégie générale d’intimidation des opposants au coup d’État. Tout « ennemi du peuple » – quiconque ose exprimer publiquement des opinions anti-Maidan ou contester le programme nationaliste de l’Ukraine – peut se retrouver sur ce site. Les adresses d’Oles Buzina, un célèbre journaliste, abattu par des nationalistes près de son immeuble à Kiev, et d’Oleg Kalashnikov, un député de l’opposition tué par des nationalistes dans sa maison, figuraient également sur Myrotvorets. Ce qui a aidé les tueurs à trouver leurs victimes. Les noms des meurtriers sont bien connus, mais ils ne sont pas emprisonnés, car dans l’Ukraine contemporaine, où la vie politique est contrôlée par les radicaux, ils sont considérés comme des héros.

     

    Le site n’a pas été fermé, même après qu’éclate un scandale international: Myrotvorets avait publié les données personnelles d’hommes politiques étrangers bien connus, dont l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder. Cependant, contrairement à M. Schröder qui réside en Allemagne, les milliers d’Ukrainiens dont les données se trouvent sur Myrotvorets ne peuvent pas se sentir en sécurité. Toutes les personnes arrêtées en mars 2022 avaient également été listées sur Myrotvorets. Je connais personnellement certains d’entre eux – Yuri Tkachev, le rédacteur en chef du journal Timer d’Odessa et Dmitry Dzhangirov, le rédacteur en chef de Capital, une chaîne YouTube.

     

    Beaucoup de ceux dont les noms figurent sur Myrotvorets ont réussi à fuir l’Ukraine après le Maïdan ; d’autres ont pu le faire après les arrestations massives de mars dernier. L’un d’entre eux est Tarik Nezalezhko, le collègue de Dzhangirov. Le 12 avril 2022, alors qu’il était déjà en sécurité hors d’Ukraine, il a publié un message sur YouTube, qualifiant le service de sécurité ukrainien de « Gestapo » et donnant des conseils à ses abonnés sur la manière d’éviter d’être capturé par ces agents.

     

    De fait, l’Ukraine n’est pas un pays démocratique. Plus j’observe ce qui s’y passe, plus je pense à la voie de modernisation d’Augusto Pinochet, un personnage qui est d’ailleurs admiré par nos néolibéraux. Pendant une longue période, les crimes du régime de Pinochet n’ont pas fait l’objet d’enquêtes. Mais au final, l’humanité a découvert la vérité. J’espère juste qu’en Ukraine, cela se produira plus tôt.

     

    L’universitaire ukrainien Volodymyr Ishchenko a déclaré dans une interview récente avec la NLR que, contrairement à l’Europe occidentale, il y a davantage de partenariat entre le nationalisme et le néolibéralisme en Europe orientale postsoviétique.  Ce phénomène a même été observé dans le Donbass parmi les personnes les plus aisées. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?  Si oui, pouvez-vous expliquer comment cette alliance a évolué ?

     

    Je suis d’accord avec Volodymyr. Ce que nous observons en Ukraine est une alliance de nationalistes et de libéraux fondée sur leur intolérance commune à l’égard de la Russie et, respectivement, de tous ceux qui prônent la coopération avec elle. À la lumière de la guerre actuelle, cette unité des libéraux et des nationalistes peut sembler justifiée. Cependant, l’alliance a été créée bien avant cette guerre – en 2013, lors de la formation du mouvement Maidan. Pour les libéraux, l’accord d’association avec l’Union européenne, défendu par le Maïdan, était principalement perçu en termes de démocratisation, de modernisation et de civilisation – il était imaginé comme un moyen d’amener l’Ukraine aux normes européennes de gouvernance. En revanche, l’Union économique eurasienne, dirigée par la Russie, était associée à une régression civilisationnelle vers l’étatisme soviétique et le despotisme asiatique. C’est là que les positions des libéraux et des nationalistes ont convergé : ces derniers ont soutenu activement le Maïdan non pas en raison de la démocratisation, mais en raison de sa position clairement anti-russe.

     

    Dès les premiers jours des manifestations, les nationalistes radicaux ont été les combattants les plus actifs du Maïdan. L’unité entre les libéraux associant l’Euromaïdan au progrès, à la modernisation, aux droits de l’homme, etc., et les radicaux cooptant le mouvement pour leur programme nationaliste était une condition préalable importante à la transformation de la protestation civique en une lutte armée aboutissant à un renversement anticonstitutionnel du pouvoir. Le rôle décisif des radicaux dans la révolution est également devenu un facteur crucial dans la formation d’un mouvement anti-Maidan de masse dans l’est de l’Ukraine, mouvement contre le « coup d’État », comme le discours hégémonique anti-Maidan a baptisé le changement de pouvoir à Kiev. Au moins en partie, ce que nous observons aujourd’hui est le résultat tragique de cette alliance malheureuse et sans vision à long terme, formée pendant le Maïdan.

     

    Pouvez-vous expliquer quelle a été la relation de Zelensky avec l’extrême droite en Ukraine ?

     

    Zelensky lui-même n’a jamais exprimé d’opinions d’extrême droite. Dans sa série « Serviteur du peuple », qui a été utilisée comme plateforme électorale non officielle, les nationalistes ukrainiens sont dépeints de manière négative : ils n’apparaissent comme rien d’autre que les marionnettes d’oligarques stupides. En tant que candidat à la présidence, Zelensky a critiqué la loi sur la langue signée par son prédécesseur Porochenko, qui faisait de la connaissance de la langue ukrainienne une exigence obligatoire pour les fonctionnaires, les soldats, les médecins et les enseignants. « Nous devons initier et adopter des lois et des décisions qui consolident la société, et non l’inverse », affirmait Zelensky-le-candidat en 2019.

     

    Cependant, après avoir assumé la fonction présidentielle, Zelensky s’est tourné vers le programme nationaliste de son prédécesseur. Le 19 mai 2021, son gouvernement a approuvé un plan d’action pour la promotion de la langue ukrainienne dans toutes les sphères de la vie publique, un plan strictement conforme à la loi linguistique de Porochenko, pour le plus grand plaisir des nationalistes et la consternation des russophones. Zelensky n’a rien fait pour poursuivre les radicaux pour tous les crimes qu’ils avaient commis contre les opposants politiques et la population du Donbass. Le symbole de la transformation droitière de Zelensky s’est manifesté à travers le soutien que lui a apporté le nationaliste Medvedko, l’un des accusés du meurtre de Buzina. Medvedko a publiquement approuvé l’interdiction par Zelensky des chaînes d’opposition en langue russe, en 2021.

     

    La question est de savoir pourquoi. Pourquoi Zelensky a-t-il fait volte-face en faveur du nationalisme alors que les gens espéraient qu’il poursuivrait une politique de réconciliation ? Comme le pensent de nombreux analystes, c’est parce que les radicaux, bien que représentant une minorité de la population ukrainienne, n’hésitent pas à utiliser la force contre les politiciens, les tribunaux, les forces de l’ordre, les journalistes, etc. En d’autres termes, ils sont tout simplement bons pour intimider la société, y compris toutes les branches du pouvoir. Les propagandistes peuvent répéter aussi souvent qu’ils le veulent le mantra « Zelensky est juif, il ne peut donc pas être nazi ». Mais la vérité, c’est que les radicaux contrôlent le processus politique en Ukraine par la violence contre ceux qui osent s’opposer à leurs programmes nationalistes et suprématistes. Le cas d’Anatoliy Shariy – l’un des blogueurs les plus populaires d’Ukraine vivant en exil – est un bon exemple pour illustrer ce point. Non seulement lui et les membres de sa famille reçoivent en permanence des menaces de mort, mais les radicaux ne cessent d’intimider les militants de son parti (interdit par Zelensky en mars 2022), en les passant à tabac et en les humiliant. Les radicaux ukrainiens appellent ça des « safaris politiques ».

     

    En ce moment, Zelensky est la figure la plus influente sur la scène mondiale par rapport à un conflit qui aura de graves implications s’il s’aggrave. Je crains qu’il n’utilise ces mêmes talents de manipulateur du show-biz pour rallier le soutien derrière cette image d’une incarnation personnelle de la démocratie et de la justice contre les forces du mal et l’autocratie. C’est comme un film basé sur l’univers des bandes dessinées Marvel. Et c’est précisément le type de scénario qui semble contraire à la diplomatie. Pensez-vous que Zelensky joue un rôle constructif en tant que leader de guerre de l’Ukraine ou pas ?

     

    Je suis régulièrement les discours de guerre de Zelensky, et je peux affirmer avec certitude que la façon dont il présente le conflit ne peut guère conduire à une résolution diplomatique, puisqu’il répète en permanence que les forces du bien sont attaquées par les forces du mal. Il est clair qu’il ne peut y avoir de solution politique pour un tel Armageddon. Ce qui est exclu de ce cadre de référence mythique de la guerre, c’est le contexte plus large des événements : le fait que l’Ukraine refuse depuis des années d’appliquer les accords de paix de Minsk, signés en 2015 après la défaite de l’armée ukrainienne dans la guerre du Donbass. Selon ces accords, le Donbass devait recevoir une autonomie politique au sein de l’Ukraine – un point inconcevable et inacceptable pour les radicaux. Au lieu de mettre en œuvre ce document, ratifié par l’ONU, Kiev s’est battu avec le Donbass le long de la ligne de démarcation pendant huit longues années. La vie des Ukrainiens vivant dans ces territoires s’est transformée en cauchemar. Pour les radicaux, dont les bataillons se sont battus là-bas, les habitants du Donbass – imaginés comme des sovki et des vatniki – ne méritent ni pitié ni indulgence.

     

    La guerre actuelle est une prolongation de la guerre de 2014, qui a commencé lorsque Kiev a envoyé des troupes dans le Donbass pour réprimer la rébellion anti-Maidan sous couvert de la soi-disant « opération antiterroriste ». La reconnaissance de ce contexte plus large ne présuppose pas l’approbation de  » l’opération militaire  » de la Russie, mais elle implique la reconnaissance que l’Ukraine est également responsable de ce qui se passe. Formuler la question de la guerre actuelle en termes de combat de la civilisation contre la barbarie ou de la démocratie contre l’autocratie n’est rien d’autre que de la manipulation. C’est essentiel pour comprendre la situation. La formule de Bush « soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes » est propagée par Zelensky dans ses appels au « monde civilisé ». Cette formule s’est avérée très commode pour écarter toute responsabilité personnelle dans le désastre en cours.

     

    Pour vendre cette histoire unidimensionnelle au monde entier, les compétences artistiques de Zelensky semblent inestimables. Il est enfin sur la scène mondiale, et le monde applaudit. L’ancien comédien ne cherche même pas à cacher sa satisfaction. Répondant à la question d’un journaliste français le 5 mars 2022 – le dixième jour de l’invasion russe – sur la façon dont sa vie avait changé avec le début de la guerre, Zelensky a répondu avec un sourire empreint de plaisir : « Aujourd’hui, ma vie est belle. Je crois que l’on a besoin de moi. Je pense que c’est le sens le plus important de la vie – être utile. Sentir que vous n’êtes pas seulement un vide qui ne fait que respirer, marcher et manger. Vous vivez. »

     

    Pour moi, cette construction est alarmante : elle implique que Zelensky jouit de l’opportunité unique de se produire sur une scène mondiale offerte par la guerre. Elle a rendu sa vie belle ; il vit. Contrairement à des millions d’Ukrainiens dont la vie n’est pas belle du tout et à des milliers d’autres qui ne sont plus en vie.

     

     

     

     

     

     

    Alexander Gabuev a suggéré que les dirigeants russes manquent d’expertise sur le pays, ce qui aurait alimenté le conflit.  J’ai également entendu des commentateurs russes suggérer que l’Ukraine avait une attitude supérieure en ce qui concerne le fait d’être pro-occidental ou pro-russe. Pensez-vous qu’il s’agisse d’un facteur important pour les deux parties ?

     

    J’ai tendance à être d’accord avec l’affirmation concernant le manque de compréhension de la part des dirigeants russes sur les processus sociaux qui se déroulent en Ukraine depuis le Maïdan. En effet, la moitié de la population ukrainienne n’a pas accueilli favorablement le Maïdan, et des millions de personnes vivant dans le sud-est souhaitaient que la Russie intervienne. Je le sais avec certitude, car tous mes proches et mes vieux amis résident dans ces territoires. Cependant, ce qui était vrai en 2014 ne l’est plus forcément aujourd’hui. Huit années ont passé ; une nouvelle génération de jeunes, élevés dans un nouvel environnement social, a grandi ; et beaucoup de gens se sont simplement habitués à de nouvelles réalités. Enfin, même si la plupart d’entre eux méprisent les radicaux et la politique d’ukrainisation, ils détestent encore plus la guerre. La réalité sur le terrain s’est avérée plus complexe que ne le prévoyaient les décideurs.

     

    Qu’en est-il du sentiment de supériorité des Ukrainiens qui s’identifient aux Occidentaux plutôt qu’aux Russes ?

     

    C’est vrai et, en ce qui me concerne, c’est la partie la plus tragique de toute l’histoire post-Maidan, car c’est exactement ce sentiment de supériorité qui a empêché les forces pro-Maidan « progressistes » de trouver un langage commun avec leurs compatriotes pro-russes « arriérés ». Cela a conduit au soulèvement du Donbass, à l' »opération antiterroriste » de l’armée ukrainienne contre le Donbass, à l’intervention de la Russie, aux accords de paix de Minsk, à leur non-respect et, enfin, à la guerre actuelle.

     

     

     

    Source originale: Grayzone

     

    Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action


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    Peut être un dessin animé de texte qui dit ’Chelo’

     

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    Anne-Laure Bonnel - Reporter

     

    Une partie des discours officiels que l'on ne vous montre pas. 

    De nouvelles alliances se forment. Russie, Chine, Inde, etc. 

    Deux camps s'affronteront à terme. C'est une évidence. Mais on nous imposera de faire des choix. Les US nous imposeront des choix. 

    Le suivisme américain est pure folie : les langues partout se délient et ne pardonneront pas l'arrogance occidentale. 

    Il était temps pour la France de s'affirmer libre, diplomate, mesurée. C'est trop tard. Inutile d'espérer. 

    L'Ukraine : tragique prétexte qui devrait nous faire aboutir au pire. Tous ont menti. 

    Mais les propos qui suivent devraient vous être montrés. Ils annoncent un tournant géopolitique majeur. Et pourtant... silence médiatique assourdissant.

    Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Wang Wenbin, exposé le rôle tenu par les Etats-Unis et les conséquences catastrophiques qui en résultent dans le monde le 25 avril 2022 lors d'une conférence de presse. 

    « Les États-Unis prétendent maintenir le rôle central de la Charte des Nations-Unies, mais il est clair pour tout le monde que les États-Unis font tout le contraire. Lorsque le Conseil de sécurité des Nations-Unies a refusé d’autoriser le recours à la force par les États-Unis en République fédérale de Yougoslavie, en Irak, en Syrie et dans d’autres endroits, les États-Unis et l’Otan ont ignoré l’Onu, ont mené des guerres et se sont engagés dans une ingérence gratuite contre des États souverains. »

    « Les États-Unis prétendent respecter les droits de l’homme, mais les guerres d’agression lancées par les États-Unis et leurs alliés dans des pays comme l’Afghanistan et l’Irak ont tué plus de 300 000 civils et fait de plus de 26 millions de réfugiés. Pourtant personne n’est tenu pour responsable des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les États-Unis ont même annoncé des sanctions contre la Cour pénale internationale qui enquêterait sur les crimes de guerre de l’armée américaine. »

    « Les États-Unis affirment s’opposer à la coercition économique, mais ce sont justement les États-Unis qui ont inventé la “diplomatie coercitive” et qui excellent dans l’art de contraindre les pays, qu’ils soient grands ou petits, lointains ou proches, amis ou ennemis. L’embargo et les sanctions imposés à Cuba ont duré un demi-siècle et les sanctions imposées à l’Iran sont en place depuis 40 ans. Lorsqu’il s’agit de poignarder dans le dos leurs alliés tels que l’Union européenne et le Japon, les États-Unis n’ont jamais hésité, comme nous l’avons vu à plusieurs reprises


  • Ukraine: Ihor Kolomoisky offers $ 1 million to murder Oleg Tsarev 

    Kolomoisky, l'oligarque sulfureux qui a propulsé Zélinsky

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    © AFP/Archives/YURI DYACHYSHYN

    AFP

    Publié le 28/11/2019 à 09h51

    Le président ukrainien a beau multiplier les démentis, l'ombre du sulfureux oligarque Igor Kolomoïsky plane sur son mandat, six mois après sa prise de fonction, entachant sa réputation et compliquant sa relation avec l'Occident.

     

    Chevelure bouclée, sourire narquois et langage cru, le milliardaire de 56 ans au tempérament belliqueux est sur toutes les lèvres. Diplomates occidentaux, Fonds monétaire international, milieux d'affaires s'interrogent sur son influence réelle ou imaginée sur le jeune chef de l'Etat Volodymyr Zelensky.

     

     

     

    Si Igor Kolomoïsky suscite l'appréhension, c'est que son nom est associé à une foule de scandales. Et depuis des semaines, il multiplie les sorties controversées.

     

    Tantôt, il prône un défaut de paiement du pays, puis de remplacer la stratégie prooccidentale de l'Ukraine par un rapprochement avec la Russie, avec qui Kiev se considère pourtant en guerre. De quoi décontenancer les alliés.

     

     

    "Il représente clairement le principal problème pour les relations de Zelensky avec l'Occident", juge l'analyste politique ukrainien Volodymyr Fesenko.

     

    Une conseillère à la Maison Blanche, Fiona Hill a ainsi dit le mois dernier devant des élus américains "extrêmement préoccupée du fait de la relation entre M. Zelensky et ce monsieur Igor Kolomoïsky".

     

    Interrogé cette semaine sur le sujet, Volodymyr Zelensky a sèchement répliqué que "Monsieur Kolomoïsky n'est pas président ukrainien" et que Kiev restait engagé sur la voie "de l'intégration européenne".

     

     

    Marionnette ?

    Si le soupçon pèse toujours, c'est que le président, en poste depuis mai, a toujours pu compter sur l'oligarque. Sa chaîne télé, 1+1, une des principales du pays, a assuré une couverture favorable de la campagne du comédien.

     

    C'est elle aussi qui diffusait ses shows humoristiques, puis sa série "Serviteur du peuple" où il jouait un simple professeur devenu président en dénonçant la corruption endémique.

     

    "Kolomoïsky est le partenaire en affaires de Zelensky, et tout porte à croire que c'est aussi son mentor", estimait récemment sur Facebook un député de l'opposition pro-occidentale, Volodymyr Ariev.

     

     

    Les détracteurs du président de 41 ans ont dès lors popularisé le surnom de "marionnette de Kolomoïsky", relevant que l'oligarque est revenu d'années d'exil juste avant l'investiture du chef de l'Etat.

     

    La nomination d'un de ses anciens avocats comme chef de l'administration présidentielle en a aussi fait sourciller plus d'un.

     

    "La crainte est que Kolomoïsky soit l'actionnaire majoritaire de Zelensky", résume Serguiï Foursa, du groupe d'investissement Dragon Capital, et que ses intérêts économiques finissent par peser plus que "ceux du pays".

     

    Cette proximité supposée est d'autant plus gênante que Volodymyr Zelensky a bâti sa popularité en promettant de "casser le système" de corruption et de jeux d'influence entre monde des affaires et monde politique qui gangrènent la vie publique depuis l'indépendance de l'URSS en 1991.

     

    "Serviteur du peuple ou serviteur des oligarques ?" titrait en octobre le centre d'analyse américain Atlantic Council.

     

    Pour d'autres observateurs, Igor Kolomoïsky est en réalité bien moins influent qu'il n'y parait.

     

    Pas de guerre

    Pour M. Fesenko, l'activisme de l'oligarque montre avant tout qu'il "n'arrive pas à s'habituer au fait que Zelensky n'est plus son subalterne".

     

    "L'histoire de Kolomoïsky est surestimée", assure aussi une source ukrainienne haut placée. "Mais le tapage médiatique autour de lui est très utile car il limite les possibilités d'une coopération" entre le pouvoir et l'oligarque.

     

    Enfant terrible des affaires, lui qui a par le passé pris le contrôle d'entreprises à l'aide d'hommes armés et financé des unités dans la guerre contre les séparatistes prorusses dans l'est ukrainien, Igor Kolomoïsky garde un poids économique non négligeable avec ses intérêts dans le ferroalliage, l'électricité, le carburant.

     

    Mais il a perdu l'essentiel: la première banque du pays, Privatbank, nationalisée en catastrophe en 2016 après le détournement suspecté de 5,5 milliards de dollars, selon les estimations de la Banque centrale.

     

    Les autorités assurent que l'établissement ne sera jamais rendu à l'oligarque, qui tente de faire annuler la nationalisation.

     

    Mais les alliés occidentaux attendent un signal prouvant que la lutte contre la corruption est vraiment engagée. Des poursuites contre les anciens propriétaires de Privatbank par exemple.

     

    Le président ne va "rien céder" à l'oligarque, assure une source proche de la présidence. Mais elle juge aussi improbable "une guerre ouverte", car Volodymyr Zelensky se sait quelque peu redevable.

     

     

    28/11/2019 09:49:58 -          Kiev (AFP) -          © 2019 AFP


  • L'évasion fiscale pour eux, l'austérité pour nous | PCF.fr 

    Ukraine. Volodymyr Zelensky piégé par les Pandora Papers

    Les révélations se multiplient autour du président ukrainien sur de nombreuses affaires commerciales via des sociétés offshore. Elles débouchent sur une crise politique pour le dirigeant, qui avait promis de combattre ces maux lors de son élection en 2019.

     

    Publié le

    Jeudi 7 Octobre 2021

    Vadim Kamenka

    L’ex-acteur a donné à son parti le titre de la série dans laquelle il jouait un incorruptible. Sergei Supinsky/AFP

    L’ex-acteur a donné à son parti le titre de la série dans laquelle il jouait un incorruptible. Sergei Supinsky/AFP

    Une semaine de tous les dangers. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky essuie une véritable tempête médiatique et politique. Les révélations sorties dans le cadre des Pandora Papers depuis lundi le visent directement. Cette enquête, menée par plus de 600 journalistes de 117 pays qui ont étudié 11,9 millions de dossiers confidentiels, pointe comment s’organise l’évasion fiscale.

     

    En Ukraine, c’est le site d’investigation de Slidstvo.info qui, en participant au Consortium international des journalistes d’investigation (Icij), a sorti plusieurs documents impliquant le président Zelensky dans des tractations commerciales secrètes. L’un d’eux pointe ainsi l’achat par des compagnies offshore (une entreprise enregistrée à l’étranger), appartenant à sa société de production Kvartal 95, « de trois appartements dans le centre de la capitale britannique (…) pour une somme d’environ 7,5 millions de dollars », atteste Slidstvo.info. Les journalistes ont réussi à retrouver leur localisation exacte. Les deux premiers appartiennent à l’entreprise de Serhiy Shefir, premier assistant du chef de l’État. L’un, acquis pour 3 millions de dollars en 2018, est situé dans une maison appelée Chalfont Court, en face du bâtiment 221B Baker Street. Le second se trouve dans l’immeuble Clarence Gate Gardens juste à côté. Le dernier, détenu par le copropriétaire de Kvartal 95, Andriy Yakovlev, se situe à quelques mètres du palais de Westminster.

     

    Des entreprises détenues par son groupe d’amis

    Cette affaire est éclairante sur le cercle proche de Volodymyr Zelensky, issue de sa société de production Kvartal 95 qui se trouve au cœur du scandale. Elle est derrière un vaste réseau tentaculaire d’entreprises enregistrées à l’étranger pour cacher leur activité et détenues en copropriété par son groupe d’amis. Tous sont issus soit de la ville natale de Zelensky, Kryvyï Rih, dans le sud, ou de sa société de production. « Il s’agit de Serhiy Shefir, qui a produit les émissions à succès de Zelensky, et le frère aîné de Shefir, Borys, qui a écrit les scripts. Un autre membre du consortium est Ivan Bakanov, un ami d’enfance. Bakanov était directeur général du studio de production et le réalisateur, producteur et copropriétaire de Kvartal 95, Andriy Yakovlev », raconte Slidstvo.info.

     

     

    Ce partenariat autour de la société de production apparaît quand Volodymyr Zelensky est acteur, humoriste et comédien et pas encore dirigeant. Il s’est servi d’une de ses séries les plus populaires, Serviteur du peuple, où il tenait le rôle d’un enseignant indigné par la corruption de son pays qui devient président. En 2019, Zelensky reprend le nom de la série pour en faire une formation politique et se faire élire avec 73 % des voix sur un programme sans concession : la lutte contre les inégalités, mettre fin au système oligarchique et à la corruption. « Même si ces révélations ne nous surprennent plus. Nous sommes extrêmement déçus. Durant la campagne, Zelensky avait incarné un espoir de changement. Il s’en est pris à l’ancienne génération dirigeante impliquée dans de nombreux scandales, critiquant son prédécesseur Petro Porochenko, sur le fait de cacher des actifs à l’étranger, ou de ne pas assez combattre la corruption », rappelle Xenia, la quarantaine qui avait participé aux mobilisations massives de 2013 et 2014 sur la place Maïdan.

     

    Deux autres crises : le Donbass et Nord Stream 2

    À Kiev, un mécontentement général prend forme. Et cette colère populaire à l’égard du président pourrait bien grandir dans les jours qui viennent. Car Slidstvo.info promet encore de nombreuses révélations sur Zelensky et d’autres responsables ukrainiens. Pour Lena, une retraitée de 65 ans, habitant dans les environs de Kiev, ce scandale « n’apporte rien de nouveau. Tous les dirigeants ont été impliqués dans une affaire depuis l’indépendance. Mais il choque de nombreuses personnes qui voient leur retraite, leur salaire ne jamais augmenter, à la différence des prix, de la TVA, de l’énergie. Et à chaque fois les mêmes dirigeants nous promettent de sortir le pays de la crise économique et sociale et que chacun devra faire des efforts . Après deux révolutions (2004 et 2013-2014 – NDLR), on n’y croit plus. Et c’est le plus dangereux et regrettable ».

     

     

     

    Deux autres crises émergent actuellement pour le chef de l’État : le Donbass et Nord Stream 2. Depuis plusieurs jours, la situation dans la région de l’est de l’Ukraine apparaît préoccupante. Les violations répétées du cessez-le-feu ont fait plusieurs morts. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a d’ailleurs quitté la zone frontalière de la Russie, la mission n’ayant pas été renouvelée par Moscou. La paix dans la région, pour un conflit qui a causé la mort de 13 000 personnes, devait être l’autre priorité fixée par le président ukrainien pour son mandat. Elle est au point mort alors qu’un autre échec diplomatique semble se dessiner : la mise en marche du gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne. Elle apparaît inéluctable dans les prochains mois, le processus de remplissage ayant débuté.

    (Source : journal l'Humanité)